Opinion et vérité
Pourquoi chercher la vérité ? Et d’abord pourquoi ne pas la chercher ? N’est-ce pas courir après une chimère ? Ne dit-on pas fréquemment « à chacun sa vérité » ? Nous discutons quotidiennement entre amis, en familles… Chacun avance « son » « opinion » qu’il tient pour « vraie »… Les avis divergent, peinent à se rejoindre, nous finissons par nous séparer (bons amis, ou fâchés, cela dépend !) et c’est ici que nous lâchons cette formule : « à chacun sa vérité »… Cela signifie plutôt « à chacun son opinion », ou bien « chacun pense comme il veut », lorsque précisément nous ne parvenons pas à nous mettre d’accord… Certes d’un côté cela manifeste une certaine tolérance vis-à-vis d’autrui, mais d’autre côté cela sonne plutôt comme un constat d’échec… Reste que l’opinion et la vérité ne sont pas synonymes : comment deux opinions opposées pourraient-elles être également vraies en même temps ? Par exemple, comme peut-on affirmer en même temps : « le Covid-19 est un maladie bénigne » et « le Covid-19 est une maladie dangereuse ? » La vérité, c’est que cela dépend (l’âge, les comorbidités du sujet, etc.), autrement dit la vérité est souvent complexe alors que les opinions sont souvent tranchées, sans nuances, mêlées d’affectivité et de croyance…
Rien ne nous autorise à confondre opinion et vérité. Une « opinion » est une idée, un jugement, ou une affirmation personnelle à propos de la réalité de quelque chose ou d’une qualité de quelque chose. Elle peut être plus ou moins réfléchie. Il y a donc potentiellement autant d’opinions que d’individus, mais bien sûr nombre d’opinions sont partagées, et plus elles le sont, plus elles auront une apparence de vérité (une apparence seulement, car une collectivité entière peut aussi se tromper).
Mais la vérité se meut naturellement dans le domaine de l'objectivité et non dans celui de la subjectivité qui reste celui de l'opinion ou même de la croyance. En tant qu'objective une vérité est soit prouvable (science), soit démontrable (mathématiques), soit justifiable rationnellement (philosophie, morale). Bien sûr dans ce dernier cas, il faut s’attendre à plusieurs justifications concurrentes. Et même dans la science, il existe des théories divergentes, des controverses.
L’exigence de vérité
Donc si les opinions s’affrontent (et ne se contentent pas de se côtoyer), c’est bien qu’il y a une exigence de vérité, c’est bien que la vérité manque, et nous la cherchons. La vérité est recherchée, c’est un fait, par beaucoup de monde. Quelques exemples : - le détective cherche si un crime a été commis et qui en est le coupable : il trouve la vérité dans une preuve matérielle ou dans un témoignage ; - les scientifiques cherchent à vérifier un fait, ou une théorie, ou une hypothèse : la vérité leur sera fournie à la fois par le calcul et par l’expérience ; - les enfants cherchent la vérité – et la trouvent – dans les paroles de leurs parents (en qui ils ont toute confiance) ; - les religieux cherchent la vérité – ils l’ont déjà trouvée – dans la Révélation divine, mais parfois elle doit être commentée et interprétée ; - etc.
Par définition la VERITE désigne 1) soit un accord entre ce que l'on pense et ce qui existe (la réalité par opposition à l'illusion et l’objectivité par opposition à la subjectivité), 2) soit un accord interne entre nos propres pensées (la logique par opposition à la confusion et l’exactitude par opposition à l’erreur) comme en mathématique, où la cohérence et l'exactitude sont exigibles sans discussion, 3) soit un accord entre ce que l’on dit et ce que l’on pense (la sincérité par opposition au mensonge).
Le fait est que la vérité manque, et pourtant la vérité est nécessaire pour parvenir à une conscience lucide : elle est comme l’oxygène de la conscience ! Elle est donc nécessaire parce que nous ne saurions pas vivre en permanence dans : - l’illusion, qui est le contraire de la vérité comme réalité, qui se rapporte à la fausseté d’une attitude où nous confondons raison et imagination, l’essence (intellectuelle) des choses avec leur apparence (matérielle) ; - l’erreur, qui est le contraire de la vérité comme exactitude : logique d’une part (cohérence), factuelle (adéquation) d’autre part ; dans tous les cas l’erreur se rapporte à la fausseté d’un jugement ; - le mensonge, qui est le contraire de la vérité comme honnêteté (question d’éthique), qui se rapporte à la fausseté d’une parole.
Nous sommes par conséquent confrontés à une triple problématique : - métaphysique : qu’est-ce que le Réel ? qu’est-ce que la réalité vraie au-delà des illusions ? l’essence des choses au-delà des apparences ? la vérité est-elle de ce monde ou est-elle « ailleurs » ? et si au contraire tout n’était qu’illusion, et s’il n’y avait aucune vérité objective mais que des vérités subjectives (des perspectives) ? ; - épistémologique et scientifique : qu’est-ce qu’une connaissance objectivement vraie ? la vérité découle-elle de l’expérience ou seulement de nos concepts et de notre raison ? ; - éthique : qu’est-ce que dire la vérité ? faut-il toujours dire la vérité ? avons-nous le droit (voire le devoir) de mentir et sous quelles conditions ?
dm
