Les représentations communes de la philosophie et du philosophe

 


Les usages communs du mot “philosophie” 

Comme toute manifestation du sens commun, ces expressions sont trompeuses ou donnent une vision très simplifiée des choses.

- “Voir les choses avec philosophie” - La philosophie serait une sorte de qualité ou de vertu morale, permettant de "prendre ses distances" d'avec l'accessoire et d’aller à l'essentiel. C’est la philosophie au sens de sagesse pratique, dont le but serait l’accès au bonheur. Les philosophes eux-mêmes ont adopté ce sens courant, tel Epicure : « La philosophie n’est pas une science pure et théorique, c’est une règle pratique d’action ; bien plus, elle est elle-même une action, une énergie qui procure, par des discours et des raisonnements, la vie bien heureuse. »

- “C’est ma philosophie…” - Cette expression laisse entendre que chacun aurait “sa” propre philosophie, comme si la philosophie se réduisait à un ensemble d’idées ou d’opinions personnelles, une certaine “vision des choses” ou de la vie. C’est la philosophie comme sagesse personnelle. Certes là encore ce n’est pas totalement faux, car les philosophes ont souvent insisté sur l’engagement personnel que représente la recherche philosophique.

Ces conceptions populaires de la philosophie comportent donc une part de vérité, mais si elles étaient suffisantes, pourquoi enseignerait-on la philosophie comme une discipline, au lycée et à l'université ?

Y a-t-il un âge pour philosopher ?

 


La question se pose pour l’élève de terminale à qui l’on ajoute une matière supplémentaire en fin de cycle. Elle se pose aussi aux philosophes depuis que la philosophie existe, et les avis sont très partagés entre… (tableau).

Les positions diffèrent, à ce sujet, selon que l'on met l'accent sur l'acte de philosopher ou sur le contenu de la philosophie. Normalement, enseigner une discipline revient à transmettre un savoir, donc à permettre un apprentissage pour s’approprier ce savoir. Mais quel savoir un enseignement de la philosophie est-il censé transmettre ? Certains pensent qu’en philosophie « on n’apprend rien », que cette discipline se réduit à une simple pratique de la discussion. D’autres prétendent qu’en philosophie ce sont les questions, et non les réponses, qui sont importantes. D’autres considèrent enfin que l’on n’apprend qu’à « philosopher » (penser, critiquer, argumenter, etc.) mais jamais la « philosophie » elle-même, au sens justement d’un savoir qui pourrait prétendre à une certaine vérité. Nous prenons au sérieux ces différentes positions mais nous pouvons défendre, malgré tout, l’existence d’une véritable connaissance philosophique, accessible au moyen d’un apprentissage spécifique. Donc la formule épicurienne "prendre soin de son âme" ne doit pas être réduite à une visée éthique au sens strict, puisque l'apprentissage philosophique inclut bien un aspect théorique. C'est pourquoi "apprendre à philosopher" et "apprendre la philosophie" sont bien deux objectifs complémentaires.

Voici donc l’objectif - ambitieux - de ce programme français veillant à ne pas séparer l’enseignement de la philosophie comme savoir constitué (d’où la lecture des auteurs, le cours à apprendre…), et l’enseignement du philosopher comme pratique accessible à chacun (d’où l’effort de discussion, participation) : “L’enseignement  de la philosophie en classes terminales a pour objectif de favoriser l’accès de chaque élève à l’exercice réfléchi du jugement, et de lui offrir une culture philosophique initiale. Ces deux finalités sont substantiellement unies." (Arrêté du 27 mai 2003 précisant les principes et le programme de philosophie dans les classes de terminales en France.)

dm


La philosophie est-elle une matière nouvelle pour un élève de terminale ?

 


Oui et non. Le texte officiel (Arrêté du 27 mai 2003) dit ceci : “La culture philosophique à acquérir durant l’année de terminale repose elle-même sur la formation scolaire antérieure, dont l’enseignement de la philosophie mobilise de nombreux éléments, notamment pour la maîtrise de l’expression et de l’argumentation, la culture littéraire et artistique, les savoirs scientifiques et la connaissance de l’histoire."

On nous rappelle clairement que la philosophie s'appuie sur l'ensemble de la culture acquise par l'élève. Pourquoi alors aborder la philosophie seulement en terminale ? Justement parce que chez l'élève de terminale la culture scolaire d'une part, la maturité personnelle d'autre part semblent fournir une base suffisante.
Par ailleurs l'on croit souvent à tort que la philosophie est une matière littéraire qui prolongerait en quelque sorte le français, en devenant simplement un peu plus compliquée. En réalité la philosophie, qui certes a son domaine et ses méthodes propres, se trouve au carrefour des autres disciplines, profitant des compétences et des connaissances déjà acquises, et sans lesquelles elle aurait bien du mal à se déployer, ou alors en utilisant de tout autres méthodes et à des fins extra-scolaires. On voit bien dans le schéma ci-dessus que la flèche rouge désignant l'objectif (l'examen, la dissertation), part sur la droite du côté des "humanités" ; l'on pourrait le faire partir sur la gauche, plutôt du côté du "bon sens", cette fois vers des objectifs plus pratiques, plus concrets, plus quotidiens...


La philosophie est-elle inutile ? (texte de Gramsci)

 Le texte suivant de Antonio Gramsci (20è) nous rappelle que celui-là même qui prétendrait se détourner de la philosophie, ferait quand même de la philosophie sans le savoir (car elle est partout), mais de la plus mauvaise, car dépourvue de sens critique.

“Il faut détruire le préjugé très répandu que la philosophie est quelque chose de très difficile du fait qu'elle est l'activité intellectuelle propre d'une catégorie déterminée de savants spécialisés ou de philosophes professionnels ayant un système philosophique. Il faut donc démontrer en tout premier lieu que tous les hommes sont "philosophes", en définissant les limites et les caractères de cette "philosophie spontanée” propre à tout le monde, c'est-à-dire de la philosophie qui est contenue : 1. dans le langage même, qui est un ensemble de notions et de concepts déterminés et non certes exclusivement de mots grammaticalement vides de contenu ; 2. dans le sens commun et le bon sens ; 3. dans la religion populaire et donc également dans tout le système de croyances, de superstitions, opinions, façons de voir et d'agir qui sont ramassées généralement  dans ce qu'on appelle le folklore. Une fois démontré que tout le monde est philosophe, chacun à sa manière, il est vrai, et de façon inconsciente - car même dans la manifestation la plus humble d'une quelconque activité intellectuelle, le "langage" par exemple, est contenue une conception du monde déterminée -, on passe au second moment, qui est celui de la critique et de la conscience, c'est-à-dire à la question : est-il préférable de "penser" sans en avoir une conscience critique, sans souci d'unité et au gré des circonstances, autrement dit de "participer "à une conception du monde" imposée mécaniquement par le milieu ambiant ; ce qui revient à dire par un de ces nombreux groupes sociaux dans lesquels tout homme est automatiquement entraîné dès son entrée dans le monde conscient (...) ; ou bien est-il préférable d'élaborer sa propre conception du monde consciemment et suivant une attitude critique et par conséquent, en liaison avec le travail de son propre cerveau, choisir sa propre sphère d'activité, participer activement à la production de l'histoire du monde, être à soi-même son propre guide au lieu d'accepter, passivement et de l'extérieur, une empreinte imposée à sa propre personnalité.” (Introduction à l'étude de la philosophie et du matérialisme historique, Gramsci)

Les repères ou distinction conceptuelles

 


Absolu / Relatif

Absolu : ce qui ne dépend que de soi-même pour exister, ce qui dans la pensée comme dans la réalité ne dépend d'aucune autre chose et porte en soi-même sa raison d'être.

Relatif : ce qui dépend d'un autre terme en l'absence duquel ce dont il s'agit serait inintelligible, impossible ou incorrect.

Exemples : Dieu est absolu (il est sa propre raison d'être). Un pouvoir peut être absolu s'il ne dépend de rien au sens où il est sans partage et sans contrepoids.
La créature est relative au créateur (sans lui, elle n'existerait pas)

Proposition pédagogique : le blog de classe

 


La création d’un "blog de classe" répond à une double finalité. Tout d'abord un tel espace peut servir simplement de "Cahier de textes numérique" pour la classe de Philosophie : en ce sens il consigne voire planifie le travail tout au long de l'année. L'élève pourra consulter le travail donné à la maison, il retrouvera les sujets de devoirs, les résumés de cours, les sujets et corrections des TD, etc. D'autre part il est destiné à prolonger, de façon à la fois plus libre et plus ample, les échanges que les élèves et le professeur ont eu concrètement en classe. En ce sens, il peut rapidement devenir l'œuvre collective de la classe, et donc participer à l'unité de celle-ci.

Méthodologie de l'explication de texte philosophique (version courte - Fiche de méthode et d'auto-évalutation)

 




Méthodologie de l'explication de texte philosophique (version longue)

 


- Ce qui est demandé : “Expliquez le texte suivant. La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.”

- "Le problème dont il est question". - En réalité, l'explication (ou "commentaire") de texte n'est pas un exercice différent, dans l'esprit, de la dissertation, et même assez peu dans la forme. Et effet, comme avec le sujet-question, vous devez traiter un problème philosophique. Simplement l'occasion, ou le document de référence n'est plus une phrase interrogative seule, c'est un texte... Un texte qui développe une thèse, une "idée", au moyen d'arguments agencés selon une certaine logique, et qui a été écrit pour répondre à un problème que se posait l'auteur. Le texte comprend donc toujours un problème sous-jacent (exactement comme la question comprenait, dans le sujet-dissertation, un problème à découvrir). Vous aurez à dégager, notamment dans l'introduction, le thème (de quoi il s'agit dans le texte), la thèse (ce que l'auteur en dit), et le problème qui lui correspond (que fallait-il démontrer, quelle difficulté ou quelle contradiction fallait-il résoudre ?). Qui dit problème dit également problématique, c'est-à-dire l'ensemble des problèmes secondaires qu'il va falloir formuler, dans un certain ordre, pour solutionner le problème principal. Dans le texte, cet ordre correspond en général à la suite des arguments avancés par l'auteur, qui sont autant de réponses à ces différentes questions : le texte a donc un "plan", c'est-à-dire des parties avec des articulations qu'il faut mettre en évidence.

- "La compréhension précise du texte". - Mais pour "rendre compte du problème" on exige explicitement une "compréhension précise du texte" : c'est bien en quoi il s'agit avant tout d'une "explication". Vous devez donc impérativement étudier le texte et rien que le texte... ce qui ne veut pas dire "coller" au texte au point de le répéter de mille manières (paraphrase). Inversement vous ne devez pas plaquer une dissertation ayant le même thème que votre texte, sans vous soucier de celui-ci ! On exigera de vous une référence constante du texte. Il existe encore un autre risque, celui de s’éloigner du texte en exposant l’ensemble de la doctrine de l’auteur : ce qu’il faut éviter à tout prix 

- Avant tout chose... Commencez par lire attentivement, et plusieurs fois, le texte : c’est essentiel ! Puis soulignez les mots qui vous paraissent importants. Repérez le thème, puis la thèse, puis les parties du texte, et enfin commencez à réfléchir à l'énoncé du problème (ce n'est pas évident, car le problème n'est presque jamais énoncé tel quel dans le texte). Vous pouvez ensuite noter au brouillon les différents enjeux, les aspects qui vont se prêter à une discussion, les références que vous souhaitez utiliser en fonction de vos connaissances...

Méthodologie de la dissertation philosophique (Version courte - Fiche d'auto-d'évaluation)

 



Méthodologie de la dissertation philosophique (version longue)

 


L'esprit de la dissertation

- Qu’est-ce que “disserter” ? "La dissertation est l’étude méthodique et progressive des diverses dimensions d’une question donnée" (Bulletin officiel). Il faut bien comprendre et appliquer la loi du genre. La dissertation n’est pas un “exposé” simplement documenté sur une question ; à l’inverse ce n’est pas non plus un “essai” libre où chacun se laisserait aller à exprimer ses opinions et sentiments personnels. La dissertation occupe un juste milieu face à ces deux extrêmes : il s’agit de soutenir un discours à la fois personnel, rationnel, et si possible philosophiquement informé. Personnel : c’est vous qui écrivez, vous qui assumez la thèse finale ; rationnel : votre souci est constamment d’expliquer, d'argumenter, de justifier vos idées, c’est-à-dire de les rendre universellement acceptables (pas question d’affirmer à la légère ou d’en rester au “quant-à-soi” : “moi personnellement je pense que”, etc.) ; informé : vous êtes censés connaître un minimum d'auteurs et de textes philosophiques, à vous par conséquent de les utiliser (sans "étaler" inutilement votre culture).

Le programme de philosophie en terminale

 


Les "notions" et les "perspectives", la construction du cours

Ces notions sont des concepts ou des thèmes très généraux qui invitent à la réflexion et au questionnement. Mais le programme officiel ne se limite pas à cette liste de termes donnés simplement par ordre alphabétique. Pour aider à la construction d’une problématique d’ensemble cohérente, le programme indique une liste restreinte de 3 « perspectives » (axes) faites justement pour regrouper les notions, mais ce regroupement ou cette construction (obligatoire) du cours est laissée à l’initiative de chaque professeur. Les 3 perspectives officiellement retenues sont :

  • L’existence humaine et la culture
  • La connaissance
  • La morale et la politique

 

Le programme de philosophie en terminale (version 2019, classe de TL)

 


La philo, on dit qu'il ne faut pas "s'en faire une montagne"... un peu quand-même, puisque le programme ressemble à ça. Voici donc une présentation du programme tel qu’il était encore en vigueur en 2019 (pour les classes de série L), avant que certaines notions ne soient supprimées (et la série L avec), dans un souci d’allègement sans doute, et que les « perspectives » ne remplacent les 5 « parties » que formaient alors successivement : le sujet, la culture, la vérité, la politique, la morale. On entend souvent dire, de la part de certains collègues enseignant, que le programme n'a aucun sens", qu'une liste de notion ne fait pas un programme. C'est doublement faux : d'abord il est recommandé de traiter des questions, et même des problèmes, forgés à partir des notions, et non directement les notions ; ensuite cet ensemble de notions, prises en elles-mêmes, constituent selon nous un système assez facilement repérable. Nous montrons dans ce schéma toute la cohérence de ce programme de philosophie (quelques soient ses ajustements, passés présents ou futurs), dans la mesure où tout questionnement philosophique global reste structuré identiquement. La question centrale demeure « qu’est-ce qu’homme » comme l’énonçait Emmanuel Kant, et elle ne fait que se déployer sur deux axes, l’un théorique l’autre pratique, faisant culminer cette réflexion avec la notion de Vérité – sommet peut-être, mais nullement finalité ou terme de la réflexion philosophique… (Quand le grimpeur a atteint le sommet de l'Everest, il ne doit pas oublier de redescendre, et ce n'est pas forcément plus facile...)

dm


Tableau des philosophes français

 


Est considéré comme philosophe quiconque fait œuvre de philosophie (dans ses écrits) sans être obligatoirement philosophe professionnel. Je prends donc "philosophe" au sens... français du terme, en l'étendant aux intellectuels, moralistes, théologiens, théoriciens, érudits et autres savants qui comptent pour l'histoire de la philosophie. La notoriété n'étant pas davantage un critère suffisant, il suffit d'avoir publié au moins un livre de philosophie ou de portée philosophique pour être recensé dans ce tableau (dont la frange contemporaine demeure nécessairement incomplète).

D'autre part, j'ai décidé d'inclure dans le corpus de la "philosophie française" les auteurs médiévaux s'exprimant en latin (tous, en fait), voire certains qui ayant majoritairement enseigné en France (à Paris, plus précisément) sont originaires de l'étranger. Toutefois cette origine est signalée par parenthèses. J'ai donc laissé au label "français" son caractère incertain, voire indécidable, entre ce qui vient de France et se qui se passe en France, refusant aussi bien de déterminer l'en-france par le critère linguistique que par le critère national.

Enfin le classement tantôt par "courants" tantôt par "domaines", à l'intérieur de chaque période, ne possède évidemment aucune valeur "scientifique". Ce classement - sans autre finalité que pratique ou mnémotechnique - est d'autant plus insatisfaisant que chaque auteur n'apparaît qu'une seule fois (ex. Diderot, au 18è, rangé dans la rubrique "philosophie de la nature"...). Sans compter que certains auteurs se situent, parfois énigmatiquement, à la frontière de deux époques (ex. Fontenelle ou Cabanis, classés respectivement aux 18è et19è).

Attention, les auteurs dont l’œuvre ne débute véritablement qu’à l’orée du XXIè siècle ne sont pas répertoriés ici.

Très (très) brève histoire de la philosophie



La philosophie n’a pas toujours existé, ni comme discipline enseignée, ni même comme mode de pensée. Elle est donc un phénomène parfaitement historique. On peut affirmer que l’”ère” philosophique, faisant suite probablement à une ère religieuse voire superstitieuse, débuta avec la civilisation grecque pour s’épanouir essentiellement en Occident. A l’intérieur de cette “ère”, l’on distingue en général trois “époques” : antique et médiévale, moderne, contemporaine ; à quoi nous ajouterons l’”actualité” de la philosophie (il n’y a aucune raison de feindre l’ignorer, comme c’est souvent le cas dans les manuels). Dans ces époques, apparaissent des “périodes” où s’affirment des “courants”, eux-mêmes dérivés d’”écoles” philosophiques. Enfin au bout de la chaîne on retrouve le “philosophe” lui-même, ou plus précisément encore ses productions : les “œuvres”.

Attention, les auteurs dont l’œuvre ne débute véritablement qu’à l’orée du XXIè siècle ne sont pas répertoriés ici.