a) Etat, Démocratie, Raison - L’Etat est une institution juridique et politique complexe qui ne s’est construite que lentement au cours de l’Histoire. Si, comme Hegel, l’on voit dans l’Histoire le développement inexorable – quoique laborieux et conflictuel – de la Raison humaine, l’on pourrait presque considérer l’État comme l’incarnation ou comme le chef d’œuvre de la rationalité humaine. La politique, dans l’ordre pratique, se partagerait avec la science, dans l’ordre théorique, les honneurs d’une rationalité ayant vaincu l’injustice pour une part et l’ignorance d’autre part. Or la Démocratie est devenue incontestablement la forme la plus répandue des États, quand bien même ceux-ci ne seraient pas « républicains ». Démocratie « affichée » sinon effective, si l’on prend en compte le grand nombre d’États totalitaires ou mafieux qui sévissent dans le monde. Mais qu’est-ce alors que cette rationalité démocratique ? Pourquoi a-t-on raison d’être démocrates et en quoi cela consiste ? La démocratie étant fondée sur le respect et la prise en compte de l’opinion de chacun, peut-on évoquer une sorte de raison « dialogique » ou « communicationnelle » ? Mais la démocratie tient-elle toujours ses promesses ? Est-elle toujours efficace ? La politique ne vise-t-elle pas avant tout l’efficacité plutôt que la vérité ?
b) Qu’est-ce que l’État ? - On assimile souvent l’État avec le gouvernement d’un pays, mais bien sûr c’est une erreur. Dans la plupart des pays, le chef de l’État n’est pas le chef du gouvernement. Le gouvernement n’est qu’un aspect de l’Etat, l’un des trois pouvoirs qui structurent les prérogatives de l’Etat, en l’occurrence le Pouvoir exécutif. A côté on distingue le Pouvoir législatif, les assemblées qui proposent et votent les lois et enfin le Pouvoir judiciaire qui désigne moins le Droit que la Justice (l’appareil étatique chargé d’appliquer le Droit et de juger les manquements à la loi). L’État est une institution politique et juridique, indissociablement. Politique, car il est l’instrument de la gouvernementalité (le « pouvoir ») et le porte-voix de la souveraineté du Peuple (la « démocratie »). Juridique, car l’État ne cesse de « fabriquer » du Droit (des lois, des décrets, etc.) et par ailleurs il s’adosse lui-même sur cette « super-loi » fondamentale qu’est la « constitution » du pays.
Bref l’État (entité juridique et politique) est l’ensemble des Institutions publiques d’une Nation (entité historique et géographique), laquelle réunit une population donnée, soit la société civile (entité sociologique). Rappelons les distinctions suivantes : 1°la société civile : c’est-à-dire l’ensemble des hommes vivant dans une certaine société, sous des lois communes ; 2° la nation , qui est une notion plus politique ou historique que philosophique : c’est l’identité dans laquelle se reconnaissent et se rassemblent des hommes se sentant un passé et un avenir commun, au milieu des autres nations ; 3° l’Etat proprement dit : abstraitement, c’est une « personne morale » possédant des structures juridiques représentant la nation, concrètement et plus précisément c’est l’ensemble des services généraux d’une nation (s’oppose alors au département, à la commune, etc.) ; 4° le gouvernement : un ensemble de personnes auxquelles la société civile a délégué directement ou indirectement le pouvoir de diriger l’Etat. Les gouvernements passent, tandis que l’Etat demeure…
c) Les destins de l’Etat - L’Etat n’a pas toujours existé. Dans les sociétés dites « primitives », les règles émanent directement de la collectivité qui se charge de les faire respecter par l’intermédiaire de son « chef ». Le pouvoir politique n'est pas séparé de la société : les sociétés primitives sont des sociétés sans État. De nos jours, au contraire, les Etats sont détenteurs du Pouvoir politique, juridique et militaire ; ils se sont développés comme de véritables puissances autonomes. Or bien que nécessaires, les Etats se trouvent aujourd’hui « attaqués » sur plusieurs fronts : celui de la société civile, notamment le « monde de l’entreprise » qui au nom du libéralisme aimerait bien limiter l’ingérence de l’Etat dans l’économie, celui de la vie associative qui aimerait bien réinventer la « politique » et la démocratie, celui des collectivités politiques supra-nationales (l’Union européenne par exemple) ou des organismes financiers surpuissants (les banques centrales par ex.), celui des multinationales privées (les Gafams notamment) qui semblent se jouer des règles étatiques et relativisent de fait la souveraineté historique des Etats-nations. Les Etats sont-ils menacés ? N’est-ce pas plutôt la démocratie qui n’en finit pas de se chercher, comme si le mode d’emploi idoine de l’Etat juste n’était pas encore parfaitement compris ?
dm
