Les quatre règles du Discours de la méthode (1637) de Descartes
René Descartes était à la fois mathématicien, physicien, philosophe… Dans son Discours de la méthode il indique 4 règles propres à fixer un véritable état d’esprit scientifique :
- Première règle : « Ne recevoir aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle ». C'est la règle d'évidence. N'admettre pour vrai que l'évident, le certain et non le probable. Une idée est évidente pour Descartes lorsqu’elle est à la fois « claire » (contraire d’obscur, « présente et manifeste à un esprit attentif » dit-il) et « distincte » (contraire de confus, « précise et différente de toutes les autres »). Partant, une telle idée sera mémorisable, exprimable, communicable… Et surtout elle pourra servir de départ – ou bien de relai – à une déduction, elle fécondera d’autres idées vraies.
- Deuxième règle : « Diviser chacune des difficultés que j'examinerais, en autant de parcelles qu'il se pourrait et qu'il serait requis pour les mieux résoudre ». C'est la règle de la division du complexe en éléments simples (analyse). Il faut examiner les objets de la connaissance, voir ce qui est simple et composé, analyser ce qui est composé et l'expliquer par ses constituants simples.
- Troisième règle : « Conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître pour monter peu à peu, comme par degrés, jusqu'à la connaissance des plus composés ». C'est la règle de l'ordre, l'ordre des raisons et non des matières : on ne commence pas nécessairement par le plus important ou le plus fondamental, il faut partir de l'évident et déduire. C’est une précision importante apportée à la règle et la suite inverse de la règle 2 : aller cette fois du simple au complexe.
- Quatrième règle : « Faire partout des dénombrements si entiers, et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre ». C'est la règle du dénombrement. Faire une revue entière, générale des objets ce qui fait intervenir la prudence, la circonspection. Cette dernière règle semblera essentielle pour tout esprit scientifique, elle compte en elle l’idée de vérification.
Ces règles lui furent inspirées par l’esprit et la méthode mathématique, qui devient donc un modèle de rigueur pour toute science (elle deviendra aussi un outil de formalisation pour de nombreuses sciences, de sorte que l’on peut difficilement apprendre la physique ou l’économie, aujourd’hui, sans notions de mathématique) : « il me parut enfin clair de rapporter à la Mathématique tout ce en quoi seulement on examine l’ordre et la mesure (…). Il en résulte qu’il doit y avoir une science générale qui explique tout ce qu’on peut chercher concernant l’ordre et la mesure (…) : cette science se désigne (…) par le nom (…) de Mathématique universelle. »
Procéder par ordre…
Telle était la consigne de Descartes dont le nom désigne une doctrine souvent incomprise, notamment par ceux qui brandissent les vertus libératoires de la fantaisie et de l’imagination face à une supposée « sécheresse » de la raison. Ce qui importe pour un philosophe comme Descartes, ce n’est pas l’ordre en lui-même, mais bien de procéder par ordre, ce qui définit la rigueur.
Or qu’il s’agisse du calcul mathématique ou de la réflexion philosophique, la rigueur impose de commencer par le commencement, puis d’avancer par déductions et enchaînements, en évitant surtout la précipitation. En effet une suite de raisons ne vaut que si elle est ordonnée précisément à un commencement, lequel définit une « première » priorité puis d’autres en cascade, du seul fait de la déduction. Le point de départ, pour Descartes, n’est jamais un principe abstrait hétéronome mais au contraire une évidence de la pensée vécue, ce que l’on peut appeler un fondement. Tel est le cas du fameux « cogito », première de toutes les vérités du fait de son évidence indubitable, à partir de laquelle sont déduites toutes les vérités secondaires : l’existence de Dieu et du monde, la nature spirituelle de l’âme, etc.
L'arbre du savoir
Dans son ouvrage Les principes de la philosophie, Descartes énumère justement une suite de principes mais également une liste de sciences utiles et légitimes. L’« arbre du savoir » qui en est l'illustration ne ressemble pas aux anciens systèmes, ces nomenclatures rigides colportées depuis l’antiquité, figées dans une pseudo cohérence. Les anciennes métaphysiques, pour schématiser, se contentaient de partir d’un « haut » pour aller vers un « bas », à la manière religieuse, et consistaient en une somme immuable de principes non démontrés. Ancienne définition de la hiérarchie. A l’inverses les branches de l’arbre de Descartes, non seulement tirent leur sève des racines de la métaphysique (le cogito) et de cette science-tronc qu’est selon lui la physique, mais elles sont tournées vers des finalités éminemment pratiques (les 3 branches) : favoriser le bonheur individuel et collectif grâce aux progrès de la médecine et des techniques, ainsi que la constitution d'une morale à dimension d’homme.
Descartes a fixé la forme de l’esprit scientifique, mais il n’était guère porté lui-même sur l’expérimentation. Le XIXè s. nous a livré des expositions plus précises de la méthode scientifique en faisant droit d’abord à l’expérimentation, comme L’introduction à l’étude de la médecine expérimentale (1865), de Claude Bernard.
dm
