L’Interprétation est-elle une forme connaissance ? (problématique)

 


Nous savons que la connaissance objective promue par la science reste souvent partielle et provisoire ; nous savons d’autre part qu’il est impossible de tout démontrer avec les outils de la logique formelle. Faut-il pour autant renoncer à comprendre ce que l’on ne peut connaître ou démontrer avec exactitude ?

L'interprétation a pour fonction d'élucider le sens d'un texte, d'un acte ou d'un évènement à chaque fois que ce sens n’apparaît pas clair. L’interprétation a donc à voir avec la part d’inconnu, d'énigme, peut-être la part d’irrationnel qui nous entoure, mais toujours dans l’optique de parvenir à une forme d’élucidation et de compréhension.

La notion de sens reçoit plusieurs acceptions. 1) Le sens désigne d’abord une fonction sensorielle, la faculté d’éprouver une sensation. Après tout, il n’est pas exclu que le « sens des choses » n’ait un rapport avec cela, avec une capacité de sentir, de goûter, de jouir de la vie. 2) La seconde acception est plus intellectuelle : le sens est synonyme de signification, il est ce que communique à l’esprit un mot ou un signe. La signification peut être expliquée. 3) Enfin le sens évoque la direction, comme par exemple le sens des aiguilles d’une montre. C’est la dimension spatio-temporelle du sens. Temporelle parce que la bonne direction, a priori, est celle de l’avenir ; or, par excellence, c’est la dimension temporelle de la conscience (tournée vers). Du point de vue de la conscience, point de vue subjectif, on parlera plutôt d’orientation. Se demander quel est le sens de la vie, par exemple, cela revient à se demander comment orienter sa propre vie.

L’interprétation prend plusieurs formes et s’exerce dans plusieurs domaines. La discipline initiale prend le nom d’”herméneutique", d'un mot grec qui signifie interprète, dérivé d'un nom propre, Hermès, nom du messager des dieux et interprète de leurs ordres. L'herméneutique est d'abord l'interprétation des textes bibliques. Par extension, on parle d'herméneutique pour tout dévoilement du sens d'un texte, voire même de réalités énigmatiques (oeuvres d'art, types de sociétés, modes de comportement). On tente de définir le type de vérités que peuvent délivrer un mythe ou une fiction, objets respectivement de l'"exégèse" et de la "critique : cela se présente-t-il sous la forme d’un savoir ? Et comment éviter les conflits d’interprétation si sensibles notamment en matière de religion…

Ensuite l’interprétation prend place dans le champ des sciences humaines : certains considèrent que l’homme ne peut être étudié comme un simple phénomène naturel, précisément parce qu’il n’est pas seulement objet mais sujet, de sorte que le projet de connaître l’homme rejoindrait la nécessité de le comprendre par l’interprétation de ses paroles et de ses comportements. Question : ces disciplines interprétantes sont-elles des sciences, et sous quel rapport ? C’est pourquoi l’on se demande si l’interprétation est une forme de connaissance.

Par ailleurs les philosophes ne séparent pas l'interprétation de la réflexion autonome. Pour cela, il faut supposer un ordre de réalité sous-jacent, implicite ou inconscient, déterminant la réalité explicite ; c'est ce qu'admettent chacun à leur manière des penseurs comme Nietzsche, Marx ou Freud, surnommés pour cela les "maîtres du soupçon". Enfin c’est encore le propre des philosophies de l’existence de fonder la réflexion sur l’interprétation : elles assignent à l’homme en tant que projet et producteur de sens le devoir d’interpréter le sens de sa présence au monde… 

dm