Du théisme à l'athéisme : les critiques philosophiques de la religion

 


1) L'idée d'une religion naturelle et le théisme

 

"Religion naturelle" : aux 15è, 16è et 17è siècle cette expression ne désigne pas une religion "de" la nature comme pouvaient l'être l'animisme et le polythéisme, mais quelque chose de "naturel" au sens de conforme à la "nature humaine". Dans l'esprit de certains penseurs comme Nicolas de Cues (15è), la "religion naturelle" désigne le dénominateur commun (supposé naturel, donc) entre toutes les religions, une fois débarrassées de leur folklore et de leur révélation respective. Elle comprendrait les croyances les plus universelles telles que la croyance en une divinité, l'immortalité de l'âme, et l'espérance d'un salut. L'avantage d'une telle religion naturelle, c'est qu'elle serait aussi immédiatement universelle et exclurait aussi bien le dogmatisme que le fanatisme sectaires.

Le "théisme" est un peu différent. Se développant surtout à partir du 18è siècle, il consiste à croire seulement en l'existence d'un Dieu créateur et Grand Ordonnateur de l'Univers. C'est le "dieu" des philosophes par excellence (le "Dieu horloger" de Voltaire), Dieu réduit à une Idée, à une justification d'ordre. Mais la religion est par ailleurs critiquée pour son fanatisme. – Cependant, si l'on peut aussi aisément remplacer le Dieu personnel et mystérieux de la religion par un Dieu conceptuel, en quoi a-t-on encore besoin du… concept de "Dieu" ? Certains "libres penseurs" athées auront justement tendance à utiliser le concept de Raison comme s'il s'agissait d'un référent absolu, divinisant presque la Raison… Donc si Dieu n'est plus qu'un concept, il n'y a plus de religion – c'est pourquoi le théisme conduit logiquement à l'athéisme.


2) La religion morale ou "la religion dans les limites de la simple raison" (Kant)

 

Emmanuel Kant (18è) se propose d'examiner "la religion dans les limites de la simple raison", selon son expression. Projet paradoxal s'il en est, puisque la simple raison n'est pas censée se hisser jusqu'à l'esprit divin : enfin d'autant plus paradoxal puisque finalement Kant conclut à la nécessité et à la validité de la religion. Pourtant il s'agit d'une véritable critique, au sens technique du terme : examiner, séparer ce qui peut être conçu par la raison et ce qui ne le peut pas, et inversement délimiter le champ de la religion si celle-ci est maintenue. 

Puisque nous adoptons, avec Kant, le point de vue de la Raison, il faut distinguer comme Kant la Raison théorique (connaissance) et la Raison pratique (action, valeurs). La première n'a aucune chance de connaître quoi que ce soit concernant l'essence ou même l'existence de Dieu : Kant rejette en bloc les théologies (soi-disant) rationnelles et les soi-disant preuves de l’existence de Dieu. En revanche la Raison pratique, qui répond à la question "que dois-je faire" (et non "que puis-je connaître" ?) a son mot à dire… En effet la Raison pratique endosse aussi la question : "que m'est-il permis d’espérer ?". Selon Kant la religion est rationnelle d’un point de vue pratique (moral), mais elle est irrationnelle d’un point de vue théorique.

La religion est nécessaire pour justifier la morale. Mais ce n’est pas de la religion que nous tirons la morale, c’est de la morale que nous déduisons la religion. En effet selon Kant une philosophie morale rigoureuse requiert trois présuppositions (trois "postulats de la raison pratique") – sortes de « croyances rationnelles » et nécessaires - qui débouchent tout droit sur la religion Voici les 3 postulats :

1° - Du point de vue de la moralité, la question "que dois-je faire" n'admet qu'une seule réponse : "faire mon devoir", parce que c'est la seule chose que soit vraiment raisonnable. – Or cela suppose déjà un premier postulat de la Raison pratique : la liberté, le libre arbitre! Car il faut bien que je sois libre pour choisir – ou non – la vertu et donc faire mon devoir. Or, selon Kant, cette liberté n'est pas naturelle, elle échappe à tout déterminisme, elle est contraire aux lois de la causalité physique (d’un point de vue scientifique, elle est incompréhensible). Sa cause doit donc être surnaturelle, divine. 

2° - Mais les hommes n'étant pas des saints, pour parvenir à la perfection morale, la vertu absolue, il leur faudrait une vie éternelle… Voici donc le deuxième postulat de la Raison pratique : l'immortalité de l'âme. Elle doit être supposée afin que l'homme puisse espérer accomplir sa tâche avant la fin des temps… « Or la parfaite conformité de la volonté à la loi morale, ou la sainteté, est une perfection dont aucun être raisonnable n'est capable dans le monde sensible, à aucun moment de son existence. Et puisqu'elle n'en est pas moins exigée comme pratiquement nécessaire, il faut donc la chercher uniquement dans un progrès indéfiniment continu vers cette parfaite conformité (…). Or ce progrès indéfini n'est possible que dans la supposition d'une existence, et d'une personnalité indéfiniment persistantes de l'être raisonnable (ou de ce qu'on nomme l'immortalité de l'âme). » (Kant, Critique de la raison pratique).

3° - D'autre part la vertu ne conduit pas forcément au bonheur, qui est le but de l'existence humaine ici-bas : elle apporte simplement le mérite. On peut déduire facilement un troisième postulat : l'existence de Dieu, puisque la perfection morale et la perfection heureuse ne peuvent se rencontrer qu’en Dieu. Car il faut bien que soit garantie, dans une autre vie « divine », l'adéquation parfaite entre la vertu exigée et le bonheur désiré. Ce lieu mythique, où le bien moral et le bonheur se confondent, n’est rien d’autre que le "paradis"…

En résumé, pour Kant la religion donne à l'homme les moyens et même les raisons d'espérer que quelque chose de bon et heureux résultera de sa bonne conduite. Remarquons bien – à nouveau - que Kant ne s'appuie pas sur la religion pour déduire le bien-fondé de la morale; sa démarche est inverse, et incontestablement originale. Quand c'est la religion qui fonde la morale, celle-ci se ramène à l'obéissance et la volonté mérite d'être appelée "hétéronome" : elle obéit pour des raisons extérieures à elle, notamment par crainte du châtiment. Avec Kant, la volonté est "autonome" : c'est elle qui décide librement de faire son devoir, d'accomplir le bien, et donc de croire en une récompense surnaturelle, tout simplement parce sinon la vie morale n'aurait aucun sens. La religion est l'espérance nécessaire.

D'un point de vue moral, le croyant comme l'athée sont égaux : tous les deux doivent faire leur devoir, s'ils se comportent conformément à la raison. Mais l'avantage du croyant, c'est que lui seul peut espérer avec optimisme, avec confiance le triomphe du bien. Kant n'est pas loin de penser que le pessimisme, la défiance de l'athée sont des fautes morales, car alors justement le sens moral se perd…

Reste à discuter : faut-il vraiment croire en un paradis et à une sanction divine pour accepter de faire son devoir et réaliser le bien ? N’y a-t-il pas d’autres raisons, d’autres morales possibles, d’autres formes d’altruisme s’expliquant “naturellement” ou socialement par l’intérêt commun par exemple (cf. la doctrine utilitariste) ? D’autre part les arguments de Kant seront ou bien critiqués ou bien dépassés par les morales dites “paradoxales”, comme l’existentialisme, qui n’excluent pas l’attitude morale mais l’affranchissent de toute nécessité métaphysique.

 

3) La religion comme aliénation et comme illusion : les critiques

 

a) La religion comme aliénation (Feuerbach)

Dans son livre L'essence du Christianisme (1841) Ludwig Feuerbach ne remet pas vraiment en question l'utilité de la religion, mais il souhaite révéler la vérité humaine, anthropologique, de celle-ci. Son projet est de remplacer le culte du divin par le culte de l'humain… puisqu'en réalité, si l'on analyse le concept de Dieu, l'on trouve la réalité humaine (esprit, créativité…) mais aliénée, c’est-à-dire séparée d'elle-même, méconnue, projetée sur un être fantastique… L’homme est essentiellement esprit, mais la prise de conscience de cette réalité n’est pas immédiate ; l’homme la projette dans un premier temps sur un être extérieur, idéalisé, Dieu. L’aliénation consiste à ne pas savoir que cette divinité est en réalité la nôtre, humaine. En résumé, ce n'est pas Dieu qui a créé l'homme, c'est l'homme qui a créé Dieu à son image. 

Feuerbach : "La religion, du moins la chrétienne, est la relation de l'homme à lui-même, ou plus exactement à son essence, mais à son essence comme à un autre être. (…) Toutes les déterminations de l'être divin sont donc des déterminations de l'essence humaine. (…) Notre rapport à la religion n'est donc pas uniquement négatif, mais critique ; nous ne faisons que séparer le vrai du faux (…). La religion est la première conscience de soi de l'homme. Les religions sont saintes parce qu'elles constituent les traditions de la première conscience. Mais ce qui pour la religion est premier, Dieu, est, comme on l'a démontré, second en soi, du point de vue de la vérité, car il n'est que l'essence de l'homme objective à elle-même, et ce qui pour la religion est second, l'homme doit donc nécessairement être posé et énoncé comme étant premier. L'amour pour l'homme ne peut pas être dérivé ; il doit être originaire. Alors seulement l'amour peut être une puissance authentique, sacrée, sûre. Si l'essence de l'homme est pour lui l'essence suprême, alors pratiquement la loi suprême et première doit être l'amour de l'homme pour l'homme." (ibid.)

 

b) La religion comme « opium du peuple » (Marx)

Karl Marx (19è) ajoute des éléments essentiels à la critique de Feuerbach : en réalité il l’inverse, d’un point de vue matérialiste, c’est-à-dire qu’il ne parle plus d’essence aliénée mais d’existence matérielle, sociale, aliénée. Il conserve l’idée d’aliénation et de fantasme (“une conscience du monde à l’envers”), mais il la situe sur un plan historique, social, politique (“la religion est l’opium du peuple”). En clair, pour Marx la religion a toujours été un instrument de manipulation et de domination pour les maîtres, pour les classes dirigeantes, et pour l’Etat, afin de régner impunément sur les classes populaires.

Karl Marx : "Le fondement de la critique irreligieuse est celui-ci : l'homme fait la religion, la religion ne fait pas l'homme. Plus précisément : la religion est la conscience de soi et de sa valeur de l'homme qui ou bien ne s'est pas encore conquis lui-même, ou bien s'est déjà perdu à nouveau. Mais l'homme, ce n'est pas un être abstrait, installé hors du monde. L'homme, c'est le monde de l'homme, l'Etat, la société. Cet Etat, cette société produisent la religion, une conscience du monde à l'envers, parce qu'ils sont un monde à l'envers. La religion, c'est la théorie générale de ce monde, son compendium [résumé] encyclopédique, sa logique sous une forme populaire, son point d'honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, le fondement général de sa consolation et de sa justification. Elle est la réalisation fantastique de l'être humain, parce que [tant que] l'être humain ne possède pas de réalité vraie. La lutte contre la religion est immédiatement la lutte contre ce monde dont la religion est l'arôme spirituel. (…) La misère religieuse est tout à la fois l'expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature tourmentée, l'âme d'un monde sans cœur, de même qu'elle est l'esprit de situations dépourvues d'esprit. Elle est l'opium du peuple. L'abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple, c'est l'exigence de son bonheur véritable. Exiger de renoncer aux illusions relatives à son état, c'est exiger de renoncer à une situation qui a besoin de l'illusion. La critique de la religion est donc dans son germe la critique de la vallée des larmes, dont l'auréole est la religion." (Pour une critique de la philosophie du droit de Hegel - 1843)

 

c) "Un platonisme pour le peuple" : la critique de Nietzsche (19è) 

La critique de Nietzsche à l'égard de la religion est particulièrement dure. A sa manière, Nietzsche diagnostique également une illusion, une aliénation, et même une tromperie. Si Nietzsche se montre si virulent à l'égard du christianisme, c'est parce qu'à travers cette religion il s'en prend d'abord à la morale. Pour lui, la vérité (funeste) de la religion est avant tout morale : une morale hypocrite ! L'expression "platonisme pour le peuple" est particulièrement méprisante. Dans le platonisme (la philosophie de Platon) Nietzsche voit une philosophie complètement irréaliste ayant inventé un arrière-monde d'Idées soi-disant plus vraies et plus réelles que le monde vivant et matériel, une philosophie qui a inversé les valeurs. Les vraies valeurs pour Nietzsche sont les valeurs de la vie (sa référence est Dionysos), pas celles de l’après-vie… Le christianisme prête naturellement le flanc à ces critiques avec son ascétisme, son rejet de la vie et de la joie de vivre. Mais alors que le platonisme s’adressait à une élite et conservait quelque noblesse, le christianisme s’adresse au peuple. Pour Nietzsche la morale chrétienne est hypocrite, elle a été inventée par des faibles pour les faibles, c'est-à-dire ceux qui ne peuvent pas s'assumer – et pour culpabiliser les forts. La morale chrétienne est une religion du "troupeau", alors que Nietzsche veut sublimer l'individu et ses forces créatrices. Dans le texte suivant, Nietzsche s’emporte contre le christianisme qu’il accuse de nihilisme, à force d’avoir sublimé le sentiment de la pitié, sentiment négatif à ses yeux, alors qu’il faudrait magnifier l’affirmation de soi :

Friedrich Nietzsche : "On appelle le christianisme religion de la pitié. — La pitié est en opposition avec les affections toniques qui élèvent l’énergie du sens vital : elle agit d’une façon dépressive. On perd de la force quand on compatit. Par la pitié s’augmente et se multiplie la déperdition de force que la souffrance déjà apporte à la vie. (…) La pitié entrave en somme la loi de l’évolution qui est celle de la sélection. Elle comprend ce qui est mûr pour la disparition, elle se défend en faveur des déshérités et des condamnés de la vie. Par le nombre et la variété des choses manquées qu’elle retient dans la vie, elle donne à la vie elle-même un aspect sombre et douteux. (…) La vie est niée par la pitié, la pitié rend la vie encore plus digne d’être niée, — la pitié, c’est la pratique du nihilisme. (…) On sait qu’Aristote voyait dans la pitié un état maladif et dangereux qu’on faisait bien de déraciner de temps en temps au moyen d’un purgatif : la tragédie, pour lui, était ce purgatif." (L’antichrist, essai d’une critique du christianisme)

 

d) La religion comme illusion (Freud)

Commençons par distinguer l'erreur de l'illusion. L'erreur est accidentelle et n'a pas d'autre signification que l'absence de vérité ou d'exactitude. Une illusion au contraire possède un sens, elle n'est pas le fruit du hasard. L’illusion répond à un désir, elle consiste même souvent à "prendre ses désirs pour la réalité". Quels désirs en l'occurrence ? Sigmund Freud interprète la religion comme un désir de protection, un attachement infantile à une figure paternelle apaisante, et une illusion de rédemption. Mais à ce désir se mêle un fantasme, lui-même corrélé à un sentiment de culpabilité d'origine œdipienne. L'homme nourrit à l'égard de ce Père qu'elle s'est donné un sentiment ambivalent : crainte et adoration, et culpabilité, parce que ce père tyrannique a dû être assassiné "à l'origine" ; d'où ces rituels plus ou moins obsessionnels qui à la fois célèbrent et tentent de compenser l'acte initial… En tout cas pour Freud la religion est bien la névrose obsessionnelle de l'humanité, et les chances d'en guérir sont minces puisqu'il prédit "l'avenir" de cette illusion… En effet pourquoi et comment l’homme changerait-il sa structure psychique fondamentale, son aliénation à l’Autre et son désir d’illusion ?

Freud : "Les idées religieuses, qui professent d'être des dogmes, ne sont pas le résidu de l'expérience ou le résultat final de la réflexion : elles sont des illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l'humanité ; le secret de leur force est la force de ces désirs. Nous le savons déjà : l'impression terrifiante de la détresse infantile avait éveillé le besoin d'être protégé - protégé en étant aimé - besoin auquel le père a satisfait ; la reconnaissance du fait que cette détresse dure toute la vie a fait que l'homme s'est cramponné à un père, à un père cette fois plus puissant. L'angoisse humaine en face des dangers de la vie s'apaise à la pensée du règne bienveillant de la Providence divine, l'institution d'un ordre moral de l'univers assure la réalisation des exigences de la justice, si souvent demeurées non réalisées dans les civilisations humaines, et la prolongation de l'existence terrestre par une existence future fournit les cadres du temps et le lieu où les désirs se réaliseront. Des réponses aux questions que se pose la curiosité humaine touchant ces énigmes : la genèse de l'univers, le rapport entre le corporel et le spirituel, s'élaborent suivant les prémisses du système religieux. Et c'est un énorme allègement pour l'âme individuelle de voir les conflits de l'enfance - conflits qui ne sont jamais entièrement résolus - lui être pour ainsi dire enlevés et recevoir une solution acceptée de tous." (L'avenir d'une illusion - 1927).

 

Un “retour du religieux” ? 

Malgré ces critiques sévères des uns et des autres, force est de constater que non seulement la religion n’a pas disparu de la civilisation, mais qu’elle semble reprendre de la vigueur dans plusieurs régions du monde, pour des raisons (notamment géopolitiques) sans doutes hétérogènes. L’on pourrait au moins diagnostiquer ce symptôme d’un “retour du religieux” – ou simplement sa permanence - comme une énigme dans la civilisation. Or tout symptôme a un sens, à interpréter. Ceux qui se tournent vers la religion ne sont-ils pas les déçus de la civilisation dite “matérialiste” et “technicienne” ? La religion ne fournit-elle pas un contrepoint salutaire contre la… croyance au progrès, voire aux illusions transhumanistes ? Quitte à imaginer un ailleurs …meilleur, pourquoi celui proposé par les religions serait-il plus naïf qu’un autre, étant donné que le message religieux doit être interprété et traduit ?

Le fondateur de la sociologie moderne, Émile Durkheim, tenait que le sentiment religieux est inéliminable, simplement il prendrait des formes différentes au fil des époques. C’est ce que donne à méditer ce passage extrait de son fameux ouvrage Les formes élémentaires de la vie religieuse (1912) : "Il y a donc dans la religion quelque chose d’éternel qui est destiné à survivre à tous les symbolismes particuliers dans lesquels la pensée religieuse s’est successivement enveloppée. Il ne peut pas y avoir de société qui ne sente le besoin d’entretenir et de raffermir, à intervalles réguliers, les sentiments collectifs et les idées collectives qui font son unité et sa personnalité. Or, cette réfection morale ne peut être obtenue qu’au moyen de réunions, d’assemblées, de congrégations où les individus, étroitement rapprochés les uns des autres, réaffirment en commun leurs communs sentiments ; de là, des cérémonies qui, par leur objet, par les résultats qu’elles produisent, par les procédés qui y sont employés, ne diffèrent pas en nature des cérémonies religieuses. Quelle différence essentielle y a-t-il entre une assemblée de chrétiens célébrant les principales dates de la vie du Christ, ou de juifs fêtant soit la sortie d’Égypte soit la promulgation du Décalogue, et une réunion de citoyens commémorant l’institution d’une nouvelle charte morale ou quelque grand évènement de la vie nationale ?"

dm